Les Conseils Prud’homaux face au dilemme du barème des indemnités
08/04/2019
Depuis septembre 2018, les conseils de prud’hommes font face à un début de contestation concernant l’application du barème des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse issu de
l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 (article 40-1). Pour rappel, ce barème vient fixer des montants minimaux et maximaux qui varient selon l’ancienneté du salarié.
Actuellement, deux camps s’affrontent dans les tribunaux :
D’un côté, les Conseils de Prud’hommes (CPH) favorables à l’application du barème :
- Pour le CPH du Mans (26 septembre 2018 n°17/00538) bien que le barème soit impératif, le juge dispose d’une latitude pour évaluer le préjudice subi.
- Le CPH de Caen (18 décembre 2018 n°17/00193), s’appuie sur la décision du Conseil Constitutionnel rendue le 21 mars 2018 (2018-761) « en renforçant la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture du contrat de travail, ilavait poursuivi un objectif d’intérêt général, et que les maximums prévus n’instituaient pas de restrictions proportionnées par rapport à cet objectif »
- Quant au CPH du Havre (15 janvier 2019 n°18/00318), il a respecté l’application du barème : le salarié dont l’ancienneté était de 3 ans et 11 mois a été indemnisé à hauteur de 4 mois de salaire
De l’autre, les Conseils de Prud’hommes qui considèrent le barème non conventionnel
- Le CPH de Troyes (13 décembre 2018 n°18/00036), estime que le barème empêche les juges d’apprécier les situations individuelles des salariés dans leur globalité et d’être juste dans la réparation du préjudice.
- Le CPH d’Amiens a refusé dans deux affaires successives d’appliquer le barème l’estimant non conforme à la charte et à la convention n° 158 de l’OIT (19 décembre 2018 n°18/00040 et 24 janvier 2019 18/00093).
- Le CPH de Grenoble (18 janvier 2019 n°18/00989) estime que les employeurs peuvent budgétiser leur faute : « il est flagrant que le barème ne permet pas au juge de tenir compte de l’ensemble des éléments de situation du salarié qui alimentent ses préjudices financiers, professionnels et moraux »
Compte-tenu de l’hétérogénéité des décisions, le ministère de la Justice s’est emparé de la question en
transmettant une circulaire aux procureurs généraux le 26 février 2019. Celle-ci leur demande de l’informer de l’ensemble des décisions rendues, qu’elles écartent le barème ou qu’elles l’appliquent. Dès lors qu’une Cour d’Appel sera saisie de la question, le parquet se positionnera.