'L’aide à domicile, l’invisible du médico-social' par Dafna Mouchenik, Présidente du SYNERPA Domicile
17/02/2020
Nous courons d’un domicile à l’autre ou marchons au ralenti, une vieille dame accrochée à notre bras. Vous nous croisez sans nous voir, nous sommes les invisibles du pays.
« Nous » ce sont tous les professionnels intervenant à domicile pour aider et soutenir malades, vieilles dames et vieux messieurs, personnes en situation de handicap. Nous sommes auxiliaires de vie, aides à domicile, nous sommes seuls derrière les portes de ceux que vous aimez, que vous nous confiez. Nous faisons partie intégrante d’une équipe. Des collègues organisent nos passages, coordonnent nos interventions, assurent la continuité de l’aide. Ensemble, nous sommes ce qu’on appelle les Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile (SAAD), discrets et efficaces. Parent pauvre du médico-social, nous réalisons un travail remarquable au regard des moyens qui sont les nôtres.
Nous sommes les invisibles et pour nous voir vraiment, il faudrait que pour une fois seulement, nous soyons absents. Si pour une seule et unique journée, les professionnels du domicile restaient derrière la porte de leurs propres maisons, alors le pays verrait à quel point le reste de l’année nous sommes présents. Présents pour aider un vieux monsieur à sortir de son lit, présents pour préparer et servir un repas à une dame en fauteuil, présents pour rassurer fille ou fils sur l’état d’une maman trop confuse pour répondre elle-même au téléphone… présents pour que chacun, quel que soit son état de santé, son âge ou son handicap, puisse continuer à vivre chez soi.
En situation de crise, nous n’hésitons pas à avoir recours à des moyens exceptionnels : mise à disposition de voitures, prise en charge de taxis ou de chambres d’hôtel, réalisation d’heures supplémentaires. Sans cela, ce sont les urgences qui prendraient en charge toutes les personnes qui nous sont habituellement confiées. Pourtant, notre modèle économique actuel repose sur une tarification à l’heure sous calibrée ne laissant place à aucun imprévu.
Un jour sans nous suffirait à nous rendre visibles de tous, mais notre engagement ne nous permet aucune absence. Nous sommes là, tout au long de l’année, les jours d’intempéries, weekend et jours fériés, nous sommes là les jours de canicule… Nous sommes là même lorsqu’il n’y a pas de transports, jours de grève, comme cela a été le cas en décembre et janvier.
Parent pauvre de nombreux textes de loi dont les lois de financement de la sécurité sociale, notre secteur mérite enfin un plan d’actions et des financements dédiés, au même titre que le plan d’urgence pour l’hôpital.
Voilà des mois que l’on nous promet une loi « Grand Age et Autonomie » sans qu’il ne se passe rien. Si l’engagement est notre moteur et qu’il nous permet de surmonter bien des difficultés, il ne peut à lui seul suffire. La question du financement et de la place de nos services doit être repensée par les pouvoirs publics, pour que jamais, nous, les professionnels du domicile, ne faillissions à la mission de cohésion sociale et de solidarité nationale qui est la nôtre.